Courrier intersyndical adressé aux groupes parlementaires au Sénat

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L'intersyndicale DGFiP s'adresse aux groupes parlementaires du Sénat.

 

 

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur

Par la présente, les organisations syndicales de la DGFiP signataires vous alertent sur la réalité et les conséquences du projet des pouvoirs publics concernant l’évolution du réseau territorial de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP). Ce projet, qui a déjà suscité de vives réactions de nombreux élus locaux, est aussi l’affaire des parlementaires. D’ici 2022, il vise à réorganiser l’ensemble de son réseau territorial et de ses implantations. Baptisé « géographie revisitée », ce projet a été conçu pour permettre la suppression de plusieurs milliers d’emplois et s’inscrit dans la vision d’un service public dématérialisé au-delà du raisonnable et se traduit concrètement de la manière suivante.

Les trésoreries de proximité sous leur forme actuelle n’existeraient plus. Leurs missions seraient scindées entre des services de gestion comptable (SGC), environ trois fois moins nombreux que les trésoreries actuelles, et des conseillers aux décideurs locaux (CDL). Les SGC, éloignés géographiquement de la plupart des communes rurales, et industrialisant les processus comptables sur un nombre très élevé de budgets à gérer. Et ils se trouveront donc également éloignés humainement et professionnellement des ordonnateurs locaux. Quant aux CDL, ils n’assureraient pas d’accueil de proximité puisqu’ils seraient chargés de livrer un conseil juridique, fiscal et financier aux collectivités locales.

De nombreux services des impôts des particuliers (SIP), de services des impôts des entreprises (SIE), de services de la publicité foncière, SPF) et d’autres services plus spécialisés (les services locaux de contrôle fiscal par exemple) verraient leur nombre se réduire par voie de suppressions et de regroupements. Dans un obscur jeu de bonneteau, certains services implantés dans des grandes villes se verraient transférés vers d’autres, sans qu’ils n’exercent pour autant de compétences territoriales permettant d’accueillir le public de la nouvelle résidence.

Pour convaincre les élus locaux du bien fondé de sa démarche, le gouvernement axe la promotion de son projet sur les « points de contacts » qu’il entend mettre en place au travers des « maisons France service » (MFS) et de formes d’accueil itinérants. Cette communication est trompeuse : elle mélange l’évolution du réseau propre de la DGFiP et celle de structures légères, généralistes, et à la pérennité très incertaine.

Loin d'être des services de la DGFiP au professionnalisme et à l'expertise reconnus, ces « points de contact » seraient juste constitués de deux personnes au statut non précisé (contractuels, fonctionnaires territoriaux…) censées assurer un accueil de premier niveau pour un nombre d’administrations et d’opérateurs nombreux et très divers (CAF, CNAV, CNAM, Pôle emploi, la Poste, certains accès de services des ministères du Travail, de l’Intérieur ou de la Justice, etc.). Pour la DGFiP, les MFS se cantonneraient au dépôt de déclarations et de réclamations, à la prise de RDV et à l’accès à un poste informatique. Les personnes présentes à demeure ne seront pas des agents de la DGFiP. Ces derniers pourraient s’y rendre ponctuellement lors de certains pics de charge et sur rendez-vous. Le coût de ces dispositifs ne sera pas neutre pour les collectivités locales. Surtout, la pérennité de ces dispositifs n’est aucunement garantie par le gouvernement.

Cette « géographie revisitée » se traduira par un repli territorial inédit et brutal de la DGFiP. En effet, pour les communes et cantons où des services de la DGFiP étaient implantés (trésoreries, SIP, SIE, etc.), ils seraient remplacés par une « Maison France service » au mieux, et sans garantie de qualité, ni de fréquence du service public fiscal rendu. Concrètement, pour certaines démarches, nos concitoyens devront effectuer des trajets plus longs, entraînant un coût financier et environnemental non pris en compte à ce stade du projet, subir plus de délais d’attente et/ou devront se débrouiller par eux-mêmes avec internet. L’économie locale sera par conséquent elle aussi impactée.

Ce projet comporte plusieurs dangers. De fait, cette réorganisation se traduira par une désertification accrue des services de l’État en zone rurale et par un accompagnement quotidien des élus locaux incertain. Il va accroître le sentiment d’abandon et décevoir la population qui réalisera, par exemple, que les MFS ne peuvent remplacer un service public technicien. Il va également contribuer à éloigner la population de l’impôt, au risque d’affaiblir un peu plus le consentement à l’impôt.

Ce projet s’accompagne d’autres évolutions tout aussi néfastes. Il en va ainsi de l’interdiction, pour le service public, d’encaisser du numéraire alors qu’on offre cette possibilité aux débitants de tabac.

Si l’accent a été mis dernièrement mis l'accent sur la fraude sociale, l’évolution du contrôle fiscal est à front renversé et la fraude atteint des niveaux records ! Si la communication gouvernementale se veut volontariste, en réalité, Le caractère dissuasif du contrôle est sévèrement remis en cause par le choix d’une politique d’élargissement des procédures de régularisation et de simple accompagnement des entreprises à l’issue des contrôles (mesures qui préexistaient pourtant mais désormais érigées au rang d’orientation prioritaires). Il en va de même du développement de l’accueil sur rendez-vous des particuliers et des entreprises qui, sous couvert de meilleur service, se traduira par des calendriers surchargés et des RDV espacés dans le temps.

Les organisations syndicales de la DGFiP se tiennent à votre disposition pour vous rencontrer et échanger sur ces sujets d'inquiétudes et ces dérives qui ont un impact sur les territoires et sur l’État.

Pour l'intersyndicale de la DGFiP

François-Xavier Ferrucci