Fiscalité : Entretien publié dans "La Marseillaise" le mercredi 11 février 2015

Version imprimableversion PDF

NICOLAS THIRION. Membre du bureau national CGT des finances publiques dénonce un manque cruel de moyens.

« Le civisme fiscal, c’est de la langue de bois »

Nicolas Thirion est secrétaire national de la CGT de la Direction générale des Finances publiques. Spécialement chargé de l’informatique, il met en cause la politique gouvernementale de restrictions budgétaires dans son ministère, qui réduit considérablement les moyens de lutte contre la fraude fiscale.

L’affaire de la banque HSBC touche particulièrement votre administration. A-t-elle les moyens de lutter contre la fraude à grande échelle ? Pas plus tard que cet après-midi[mardi, ndlr], nous participons à un groupe de travail, programmé avec le directeur général des Finances publiques, sur un sujet imposé juste avant que ne sorte l’affaire, dans le cadre de la revue des missions. Il se trouve que le sujet est le civisme fiscal ! Mais pour répondre à la question, c’est non. Nous manquons cruellement de moyens. Parce qu’on nous impose un budget de plus en plus contraint, des baisses budgétaires. Nous subissons aussi des destructions d’emplois. Notre direction laisse des postes vacants. Nous en avons répertorié à peu près 3000, pour l’ensemble de la Direction générale des Finances publiques. Évidemment, le contrôle fiscal est touché aussi. Pour nous, ce groupe de travail prévu dans le cadre d’une revue des missions relève d’une volonté de l’État de faire le tour des missions régaliennes. C’est en vue de procéder à des coupes claires à l’intérieur. Notre direction décline notre mission en trois formes. L’accueil, la dématérialisation et le civisme fiscal. Mais pour nous, le civisme fiscal relève du discours officiel, de la langue de bois. Parce qu’en réalité, là encore, le but est de faire des économies en tournant le civisme fiscal vers les usagers des classes moyennes. Et la volonté d’apaiser le dialogue avec les entreprises...

Les révélations de SwissLeaks permettent-elles une action syndicale plus ciblée ? Bien entendu ! Nous en parlons à notre direction dès aujourd’hui. Nous évoquerons notamment l’aspect saugrenu qu’il y a à parler de civisme fiscal pour les particuliers de la classe moyenne et pour les petites et moyennes entreprises à un moment où on met sur la table des dizaines de milliards manquant cruellement aux caisses de l’État, du fait de la fraude de grand niveau. Surtout de la part de 3000 personnes, ce qui n’est pas beaucoup à l’échelle de la France, mais pour des sommes qui en revanche sont gigantesques.

Votre outil informatique est-il seulement à la hauteur de celui des fraudeurs ? Malheureusement , nous ne sommes pas au niveau en ce qui concerne l’informatique. L’informatique est vue par notre direction générale comme un gisement de productivité, de baisse d’emplois, de facilitation du recouvrement et de la comptabilité de l’argent, mais pas du tout assez, ou en tout cas trop peu, comme un outil de lutte efficace contre la fraude. Il y a à peu près 6000 informaticiens qui travaillent pour la seule Direction générale des Finances publiques. Seulement nous sommes touchés de plein fouet par les baisses budgétaires. Or c’est là qu’il faudrait porter l’effort, si on veut lutter contre la grande fraude fiscale. On met en avant une cellule à Bercy qui va s’occuper des gros poissons ou des cas importants, mais c’est de la communication. On met ça en exergue pour dire qu’on fait quelque chose. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’applications qui servent au contrôle fiscal, mais il est évident que l’effort qui est porté dessus n’est plus seulement insignifiant, il est en recul. J’aimerais beaucoup connaître la réalité de ce qui est recouvré. Par exemple, la réalité des sommes recouvrées par rapport à celles qui sont citées dans l’affaire Swiss-Leaks ! Et pour le moins j’ai des doutes.

ENTRETIEN CLAUDE GAUTHIER

Voir le fac-similé dans les docs à télécharger

Public: