La réforme de la taxe d’habitation (TH) va asphyxier les collectivités locales

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I/ Le principe de la TH :

Les locaux d'habitation meublés et dépendances sont imposables à la TH, que l’on soit propriétaire, locataire ou occupant à titre gratuit. Elle est calculée d'après une valeur locative cadastrale (datant de 1960, 70 corrigée en 80), résultant des évaluations foncières. Un coefficient de revalorisation est fixé annuellement par la loi de finances.

Le montant se calcule en multipliant la base d'imposition par les taux votés annuellement par la commune ou l’EPCI. Ces taux varient d'une commune à l'autre, entraînant de très fortes variations de la TH pour des logements équivalents.

Il existe des abattements, exonérations, dégrèvements d’office (notamment pour des personnes de conditions modestes). Il y a un plafonnement en fonction du revenu

II/ Les grandes lignes de la réforme Macron :

L'exonération de la TH pour 80% des redevables sera déployée entre 2018 et 2020. C’est un dégrèvement progressif jusqu’à une sortie totale en 2020, à raison d'un tiers par an.

Conditions pour que l’exonération s’applique :

  • Si le quotient familial est d’1 part, alors le Revenu Fiscal de Référence (RFR, qui intègre l’abattement de 10%) de l’année n-1 ne devra pas dépasser 27 000 euros.
  • Pour 1,5 part, le RFR ne devra pas dépasser 35 000 euros (ajout de 8 000 euros).
  • Pour 2 parts, le RFR ne devra pas dépasser 43 000 euros (ajout de 8 000 euros).
  • Puis le seuil de RFR sera augmenté de 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire.

Les majorations de 8 000 et 6 000 euros sont à diviser par deux pour les quarts de parts supplémentaires (cas de gardes alternées)

Si la TH est établie au nom de plusieurs personnes, la somme retenue comme seuil sera l’addition des différents RFR.

Pour celles et ceux qui seront juste au-dessus des seuils à ne pas dépasser, le gouvernement a ajouté un dégrèvement dégressif.

 

III/ Questions de financements :

Les collectivités locales bénéficient des impôts directs locaux, dus par les entreprises (Contribution Économique Territoriale -CET- par exemple) et par les ménages (dont la TH).

Ces ressources sont complétées par un fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (solidarité entre les collectivités), et très majoritairement par une dotation globale de fonctionnement versée par l’État (40,1Md€ en 2014).

Ainsi les collectivités locales ont une part d’autonomie fiscale (peuvent jouer sur la fiscalité locale) et une part d’autonomie budgétaire (liberté de gestion des budgets alloués par l’État).

Un financement régulièrement mis en difficulté :

Réforme territoriale, création des métropoles, fusions de régions et de communes, prise en charge locale de nouvelles missions (rythmes scolaires et activités périscolaires, créations de places en crèche…) : L’association des maires de France chiffrait à 2Md€ le surcoût en 2014.

Les dotations de l’État ont diminué de 11Md€ entre 2014 et 2017. La suppression de la Taxe Professionnelle remplacée par la Contribution Économique Territoriale a produit une perte qui a pu être estimée à 7Md€ par an en rythme de croisière.

Le recours aux emprunts est courant. L’État n’aurait jamais dû privatiser le Crédit Local de France (devenu DEXIA) qui permettait à la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC), groupe public, de financer les collectivités locales.

Des collectivités ont recouru à des mécanismes destructeurs : les emprunts toxiques les ont mis à la merci de banques qui ont placé des produits financiers complexes. Les partenariats publics/privés sont souvent signés dans des conditions trop floues, ne protégeant pas les collectivités, aux dires même de la Cour des Comptes. Ces choix se sont avérés désastreux et illustrent la logique de socialisation des pertes et de privatisations des profits, ce que dénonce la CGT.

 

IV/ Le gouvernement entrave l’action publique locale !

La TH représente 27,36 % du global des impôts locaux en 2015. Moins de TH, c’est moins de financement.

D’une part, cela accentuera les dynamiques de regroupement des collectivités, phénomène déjà entamé. D’autre part, ce qui ne sera plus à payer au titre de la TH, le sera au centuple au titre des reculs de l’offre de services publics et de l’action sociale.

Et le gouvernement reste flou sur les éventuelles compensations dont il renvoie l’application à 2020 :

Augmentation des dotations de l’État ? Abandons de missions de service public ? Nouvelle augmentation de la CSG ? Création d’un nouvel impôt ? Augmentation de la taxe foncière ? Aucune compensation ? Chaque piste avancée ici ou là est rapidement démentie...

« Toute la fiscalité locale sera repensée » s’est borné à dire le ministre Bruno Lemaire. Une telle cacophonie ne laisse présager rien de bon !

 

Aujourd’hui la TH est injuste au regard de l’obsolescence des bases locatives et joue mal son rôle. C’est pourquoi la CGT Finances Publiques revendique, entre autre :

  • La pérennité de la TH, en la rendant plus juste par intégration des revenus dans son calcul (moitié revenus, moitié base cadastrale) et par la révision des valeurs locatives cadastrales (avec les moyens nécessaires dans des centres des impôts fonciers de pleine compétence).
  • Une intégration de critères sociaux et environnementaux dans la Contribution Économique Territoriale (pour augmenter les ressources et responsabiliser les entreprises).
  • L’arrêt des baisses et du gel des dotations de l’État, qui doit reprendre en charge des compétences locales, en rompant avec les politiques budgétaires d’austérité.
  • Un système de péréquation plus efficace afin de réduire les inégalités entre les territoires.