Le contrôle fiscal malade d’un virus : le libéralisme

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Le patient zéro retrouvé : la note de reprise du CF...

 

Un démantèlement déjà bien avancé

Après la promulgation de la loi Essoc en août 2018 et la parution d’un rapport très sévère de la Cour des Comptes, publié en décembre 2019, qui révèle une diminution des résultats de la lutte contre la fraude fiscale, le gouvernement poursuit sa logique de déconstruction, de simplification des procédures et démontre que le contrôle fiscal n’est pas une priorité pour lui. La crise sanitaire de l’année 2020 a permis un test grandeur nature de l’arrêt complet des opérations de contrôle fiscal. Cette situation crée un dangereux précédent.

Dans ce contexte déjà alarmant, deux orientations ont encore aggravé la situation :

 l’instauration d’une nouvelle procédure : l’examen de comptabilité, qui restreint le champ des investigations et ne permet plus de se rendre sur place. Ces contrôles moins intrusifs sont privilégiés par l’administration ; or ils ne peuvent donner les mêmes résultats puisque les angles d’investigations sont arrêtés dès la programmation et qu’il n’est pas possible de les étendre ;
 le recours au Data-Mining, qui veut faire croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour sortir une programmation pertinente et répressive contre les comportements frauduleux. La réalité des chiffres est sans concession pour confirmer l’absolu échec de cette politique.

Si le monde d’après pouvait se construire sans contrôle fiscal…

On aurait pu penser que la crise sans précédent que nous connaissons allait rebattre les cartes, qu’une réelle prise de conscience allait voir le jour sur l’impérieuse nécessité de donner du sens aux objectifs du contrôle fiscal : dissuasion, répression et ressources budgétaires.

Pourtant, tous les dossiers en cours au 16 mars ont du être stoppés sans aucune anticipation, du jour au lendemain, y compris ceux portant sur des dossiers de fraudes caractérisées. Pour nous, la crise du Covid a été le prétexte à accélérer le démantèlement du contrôle fiscal. Or, la fraude fiscale ne s’est pas arrêtée avec la crise du Covid.

D’autres administrations de contrôle telle que l’Inspection du Travail sont aussi concernées. Pour rappel, Anthony Smith, un inspecteur du travail a été mis à pied pour avoir demandé à une entreprise d’aides à la personne de fournir des matériels de protection aux salariées afin d’éviter toute contamination.

L’arrêt brutal de toutes les opérations n’était à l’évidence pas un bon signal envoyé à la société toute entière. En effet, le caractère indispensable du contrat social qui nous lie, c’est le consentement à l’impôt, la juste répartition de la charge contributive à la collectivité.

Or, pour ce faire, il est fondamental que chaque citoyen de ce pays soit persuadé que le fraudeur sera non seulement démasqué mais puni à sa juste mesure.

A ce titre, la note administrative fixant les orientations de reprise de l’activité du contrôle fiscal du 12 mai confirme les inquiétudes de la CGT Finances Publiques.

Une note qui admet une année quasi blanche et un redémarrage vague

Au-delà du contexte sanitaire, pour lequel la CGT a, dès le début de la crise, exigé des mesures concrètes et immédiates en matière de sécurité des personnels et de matériels de protection, entre autres pour la réception et l’activité des agents itinérants, la note prévoit que « la reprise complète de l’activité de contrôle ne pourra au mieux être envisagée qu’à compter du mois de septembre ».

Nous n’ignorons ni ne sous estimons la crise économique qui s’annonce. Cependant rien ne saurait justifier de donner un blanc seing à l’ensemble des acteurs économiques, y compris aux réels fraudeurs, car au-delà des annonces, la CGT redoute bel et bien que les moyens de contrôle ne soient pas suffisamment efficaces pour lutter contre les comportements les plus répréhensibles.

La note prévoit pour les dossiers déjà en cours au moment du confinement de se contenter d’opérations allégées, avec le moins de contraintes possibles pour les entreprises.

Enfin, les espoirs de la DG reposent, en matière de programmation, sur le Data-Mining.

Pour la CGT, il est temps de redéfinir le contrôle fiscal et de faire aboutir les revendications des agents !

La CGT analyse cette note avec la plus grande circonspection et gravité.

Cette note marque un précédent : c’est une première tentative de fragmenter la politique du contrôle fiscal en France pour mieux la tordre et fragiliser encore plus la position des agents ainsi que la pertinence de leur travail. La mise en place de comités locaux de reprise d’activité dans les directions de contrôle fiscal est une grande nouveauté et surtout une porte
ouverte à la rupture de l’égalité des contribuables sur le territoire.

Pour la CGT , cette crise sanitaire qui annonce une crise économique sans doute structurelle et profonde doit justement être le moment de poser un diagnostic sur la situation du contrôle fiscal. Pour la CGT, la fraude fiscale estimée à 100 milliards d’euros par an pourrait ne pas diminuer à raison des milliards d’aides publiques déboursés ces derniers temps.

C’est pourquoi la CGT revendique une capacité réelle d’investigation, notamment par le développement des accès aux données fiscales internationales des entreprises. La CGT porte également un contrôle fiscal conservant ses pleines prérogatives, notamment par la prépondérance des vérifications de comptabilité sur place approfondies, seules à même de mettre
en évidence les schémas de fraude de plus en plus sophistiqués.

Sur le plan des emplois, la CGT évalue à 10 000 postes affectés au contrôle les besoins pour rétablir la mission dans son plein exercice.

Enfin, sur le plan législatif, la CGT oeuvre pour l’instauration d’une taxe globale sur les multinationales au lieu de la fausse taxe GAFA, ainsi que l’abrogation de la loi « ESSOC».

Le monde d’après ne fera pas l’économie d’une redéfinition des modalités de financement des politiques publiques et de leur application. Le contrôle fiscal porte en lui un objectif de ressources budgétaires et surtout de justice fiscale. La CGT entend prendre part à ce débat pour présenter ses solutions, faire aboutir ses revendications et construire une société plus
démocratique : un temps où nous vivrons nos « jours heureux ».