Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France

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Rapport du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

Le sexisme ne recule pas en France. Au contraire, certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent, et les jeunes générations sont les plus touchées. Tel est le constat inquiétant du 5ème rapport annuel sur l’état du sexisme en France que, depuis la loi relative à l’égalité et la citoyenneté du 27 janvier 2017, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a la mission d’élaborer et de remettre à la Première ministre et à la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité, et de l’Égalité des chances.

Ce rapport repose sur les résultats du « Baromètre Sexisme » mené avec l’institut Viavoice. En interrogeant un échantillon représentatif de 2 500 personnes âgées de 15 ans et plus, ce sondage rend compte des perceptions de l’opinion face aux inégalités entre les femmes et les hommes, évalue le degré de sexisme de la population, mesure l’adhésion aux outils existants de lutte contre le sexisme et restitue les situations vécues par les femmes. À travers ce travail, le HCE a pour ambition de mieux mettre en lumière le sexisme, pour mieux le combattre.

Malgré des avancées incontestables en matière de droits des femmes, la situation est alarmante. Des progrès ont été enregistrés en 2022 notamment avec des nominations significatives en politique (Première ministre, Présidente de l’Assemblée nationale) et en économie (présidente de l’Autorité des marchés financiers, directrice générale du groupe Orange). De nouveaux moyens de lutte contre les violences ont été mis en place (budget et moyens de la police et de la justice affichés en hausse, implémentation des mesures du Grenelle des violences conjugales) et de nouvelles dispositions favorables aux femmes ont permis des avancées importantes (contraception gratuite pour les moins de 25 ans, délai d’IVG allongé, PMA pour toutes, entrée en application de la loi Rixain, extension des domaines de l’égaconditionnalité dans la culture). Enfin, de nouvelles prises de parole des victimes, dans les mondes universitaire ou politique par exemple, ont permis la mise en retrait de personnalités publiques, y compris de premier plan.

Mais cinq ans après #MeToo, le rapport dresse le constat d’une société française qui demeure très sexiste dans toutes ses sphères : les femmes restent inégalement traitées par rapport aux hommes, et elles restent victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes. De fait, le nombre et la gravité de ces actes augmentent, dans l’espace public, professionnel, privé, numérique… Les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, par exemple, indiquent une augmentation de 21 % du nombre de victimes de violences conjugales entre 2020 et 2021.

En dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités et aux violences depuis #MeToo, les biais et les stéréotypes de genre, les clichés sexistes et les situations de sexisme quotidien continuent d’être banalisés. Ils restent de ce fait partiellement acceptés par une grande partie de la population. L’opinion reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, phénomène particulièrement prépondérant chez les hommes interrogés. Ce décalage entre perception, déclarations et pratique a des conséquences tangibles en termes de violence symbolique, physique, sexuelle, économique. Du sexisme quotidien, dit « ordinaire », jusqu’à ses manifestations les plus violentes, il existe un continuum des violences, l’un faisant le lit des autres.

Le rapport met enfin en évidence un manque de confiance important de la part des personnes interrogées à l’égard des pouvoirs publics portant la lutte contre le sexisme et l’inefficacité des outils mis en place, malgré les efforts consentis, manifestement insuffisants, pour répondre à une situation qui s’aggrave avec l’apparition de phénomènes nouveaux : violence en ligne, virulence accrue sur les réseaux sociaux, barbarie dans de très nombreuses productions de l’industrie pornographique, affirmation d’une sphère masculiniste et antiféministe. À cela s’ajoutent les signaux manifestes de recul pour les droits fondamentaux des femmes, notamment sexuels et reproductifs, à l’international - Iran, Afghanistan, États-Unis, Pologne, Hongrie, Italie. Partout, l’année 2022 est marquée par la réémergence d’un mouvement réactionnaire à l’égard des femmes, qualifié de « backlash ». Face à ces évolutions inquiétantes, l’intervention des pouvoirs publics est tout particulièrement attendue par l’opinion, selon le sondage du HCE.

Le HCE propose des pistes d’action en urgence pour enrayer ce phénomène.