Souffrance au travail : la Dgfip (enfin) condamnée !

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En juin 2014,suite à la multiplication de suicides et de tentatives de suicides aux finances publiques en lien avec le mal-travail, la fédération et le syndicat publiaient un guide militant .
L’administration s’était bien engagée à reconnaître la responsabilité professionnelle d’un tel acte, mais les enjeux politiques de ce type de décision sont tellement lourds qu’il aura fallu l’intelligence, la détermination et la patience des militants CGT pour contraindre la direction générale à reconnaître une tentative de suicide en accident de service.
Ci-dessous, vous découvrirez le retour de cette longue bataille de septembre 2012 à avril 2015. Cette première victoire en appelle beaucoup d’autres !!
En septembre 2012, une agente de la Direction départementale du Gers était victime d’un épuisement professionnel (burn-out )sévère suivi d’une tentative de suicide sur le lieu et durant les heures de travail qui nécessitera un arrêt de travail ininterrompu de 15 mois suivi d’un mi-temps thérapeutique de 12 mois.
En décembre 2012, trois mois après son accident, elle a adressé à sa direction une demande de reconnaissance d’accident de service, d’imputabilité au service de sa maladie et de prise en charge d’un arrêt de travail de 2011 en lien avec cette maladie, en mettant expressément en cause les réformes, les restructurations de services, les suppressions d’emploi ainsi que le management : « La succession depuis plusieurs années des réformes (fusion CDI/CDIF, fusion DGI/CP), la mise en place de nouvelles applications informatiques, les restructurations de services (regroupement des secteurs d’assiette), les suppressions d’emplois successives essentiellement de catégorie C, les objectifs toujours en augmentation fixés au service,... ont entretenu un stress quasi permanent. Ce stress continu a généré une réelle souffrance au travail... Mes efforts n’ont jamais été reconnus dans les notations et dans les appréciations qui les accompagnent... ».
Pour la DDFIP 32, la DGFIP et le Ministère, il était hors de question de faire droit à une demande d’accident de service et de maladie imputable au service incriminant les politiques de restructuration et le management. Dès lors, avec l’aval de la DGFIP et du Ministère, la DDFIP 32 a livré un combat total en utilisant tous les moyens, même déloyaux, comme de ne pas répondre à la demande adressée en recommandé avec AR, pour faire naître au bout de 2 mois une décision implicite de rejet qui serait devenue définitive si elle n’avait pas été contestée devant le tribunal administratif dans le délai de recours de 2 mois. Comme de présenter à deux reprises, à un mois d’intervalle, une expertise médicale répondant à une mauvaise question posée par l’administration afin d’obtenir un avis défavorable de la commission de réforme. Les représentants des personnels siégeant dans la commission alertés de cette manœuvre ont pu la déjouer en obtenant une nouvelle expertise médicale délocalisée en dehors du département auprès d’un médecin agréé de l’unité médico-judiciaire du CHU de Toulouse Rangueil. L’expert conclura qu’« un lien de causalité pouvait être établi entre la pathologie et l’activité professionnelle et que l’affection pouvait être considérée comme une affection contractée en service ».
La commission de réforme réunie pour la 3° fois en novembre 2013 suivra les conclusions de l’expert et donnera un avis favorable à l’imputabilité malgré l’abstention des 2 représentantes de la DDFIP 32.
Il faudra attendre encore 4 mois, le 18 mars 2014, pour que le DDFIP 32 prenne enfin une décision sur la demande reçue en décembre 2012. Il reconnaîtra le caractère professionnel et imputable au service de la maladie mais ne reconnaîtra pas comme accident de service la tentative de suicide qu’il, insigne mépris, qualifiera d’incident : « L’incident survenu en date du 27 septembre 2012 n’est pas reconnu imputable au service car analysé comme un acte réfléchi et volontaire dicté par une motivation personnelle... » Il ne prendra pas en charge non plus l’arrêt de travail et les frais médicaux de 2011.
Bien qu’ayant déjà obtenu avec la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie une belle victoire, l’agente a introduit en mai 2014 un nouveau recours devant au Tribunal Administratif de Pau pour faire annuler la décision du DDFIP 32 refusant de reconnaître l’imputabilité au service de sa tentative de suicide et refusant la prise en charge de l’arrêt de travail de 2011. Malgré les manœuvres dilatoires de l’administration comme la production tardive des mémoires en défense contenant des informations personnelles à caractère médical, cela fera l’objet d’un dépôt de plainte au pénal pour violation du secret professionnel, les deux recours seront jugées en décembre 2014.
Dans son jugement du 29 décembre 2014 le Tribunal Administratif de Pau a décidé : « la décision du 18 mars 2014 est annulée en tant qu’elle refuse de reconnaître l’imputabilité au service de l’accident du 27 septembre 2012 » « la décision du 18 mars 2014 est annulée en tant qu’elle refuse la prise en charge de l’arrêt de travail de 2011 » « L’État versera la somme de 400 € sur le fondement de l’article L 761-1du code de justice administrative »
Ce jugement sera notifié au Ministre et une copie adressée au DDFIP 32 le 13 janvier 2015.
Suite à ce jugement l’Administration déposera les armes. Elle ne fera pas appel du jugement et le 10 avril 2015, 3 mois après la notification, le DDFIP 32 prendra une décision de reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident du 27 septembre 2012, la tentative de suicide qu’il avait appelé incident dans sa précédente décision. Il prendra en charge également l’arrêt de travail de 2011 au titre de la maladie professionnelle ainsi que les frais médicaux liés à cette maladie.
En prenant en charge cet arrêt de travail l’Administration reconnaissait que le travail avait rendu malade son agente plus d’un an avant sa tentative de suicide. C’est donc au terme d’un combat de plus de 2 ans au cours duquel l’Administration ne s’est pas honorée, que cette victoire totale a été arrachée.
Elle l’a été grâce à la détermination de l’agente, adhérente de la CGT Finances Publiques depuis 40 ans. « Les seuls combats perdus d’avance sont ceux auxquels on renonce. »