Un grand pas vers la privatisation du Contrôle fiscal

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Détaillé lors du Groupe de Travail sur le Contrôle Fiscal le 9 septembre 2020, l’examen de conformité fiscal (ECF) a été définitivement créé par le Gouvernement et publié au Journal Officiel le 14 janvier 2021.

Pour la CGT Finances Publiques cette nouvelle procédure marque un tournant dans la conception du contrôle fiscal et ouvre de graves perspectives pour le service public fiscal.

L’ECF, déclinaison de la loi ESSOC, est porté par le patronat et leurs partenaires

L’examen de conformité fiscale (ECF) est un projet du Gouvernement qui s’inscrit dans « la nouvelle relation de confiance, qui répond à un fort besoin de sécurité juridique et fiscale des entreprises tout en participant au civisme fiscal. »

Alors que le dialogue social est au point mort depuis de nombreuses années et que les revendications des agents et de leurs représentants légitimement élus restent lettres mortes, il semble acquis que la Direction Générale ainsi que les ministres de l’Économie et de la Justice accèdent plus facilement aux demandes des organisations du patronat et de leurs partenaires, à l’instar des Commissaires aux comptes (CAC) et des experts comptables.

Le dispositif devrait entrer en vigueur pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2020.

Le principe

L’ECF est un examen de certains points fiscaux prévus dans un chemin d’audit, réalisé par un commissaire aux comptes, un expert comptable ou un centre de gestion agréée dans le cadre d’une relation contractuelle de droit privé facturée à l’entreprise. Ce dispositif n’est pas obligatoire et est ouvert à toutes les entreprises.

Ce chemin d’audit prévoit 10 points relatifs à la conformité et la qualité comptable des FEC, au certificat des logiciels de caisse, au respect des régimes fiscaux choisis et des règles sur les amortissements, les provisions, les charges à payer et exceptionnelles et la TVA.

Les effets de l’ECF

La Direction Générale n’hésitait pas à affirmer, avant même l’adoption de la procédure, que l’ECF établit une forme de présomption de conformité fiscale sur les 10 points examinés.

Pire, il est déjà indiqué que la DGFIP prendra en compte l’existence d’ECF pour la programmation des futurs contrôles fiscaux au prétexte d’une analyse risque qui serait de facto favorable aux entreprises qui auront acheté cet audit.

L’ECF, une concession néo-libérale inacceptable

Ainsi, le Gouvernement met en place un audit payé par les entreprises à un commissaire aux comptes ou un expert comptable qui permettra dans les faits de s’exonérer d’un contrôle fiscal.

Pour cultiver une image d’impartialité, la DGFIP évoque la possibilité de contrôler une entreprise qui pourrait produire un ECF. Si un point validé dans le cadre d’un ECF devait ultérieurement être rectifié lors d’un contrôle fiscal, l'entreprise resterait redevable des droits supplémentaires rappelés, mais pas des pénalités afférentes si sa bonne foi n’est pas remise en cause.

Par conséquent, la DGFIP met en place une procédure toujours plus favorable pour les entreprises au détriment des fondamentaux du contrôle fiscaux. Déjà, la CGT a depuis longtemps relevé que le recours aux transactions ou aux procédures de régularisation étaient trop nombreuses, que les conséquences de la garantie fiscale étaient exorbitantes en faveur des entreprises ; avec l’ECF c’est la culture du « pas vu pas pris » qui est institutionnalisée.

Les conséquences sur la mission du contrôle fiscal

Pour la CGT Finances Publiques, cette nouvelle procédure aura des conséquences inévitables sur les effectifs ainsi que sur les missions du contrôle fiscal en termes d’organisation.

Déjà, depuis quelques années, le contrôle fiscal n’est plus le sanctuaire décrit au moment de la Fusion. Les services tels que les BDV, PCE, PCRP, BRV ainsi que les directions nationales sont concernés substantiellement par les suppressions d’emplois. Les chiffres du rendement du CF en sont la conséquence directe et manifeste.

Concernant l’organisation du CF, c’est l’égalité de traitement des contribuables qui est remise en cause par cette privatisation rampante de la mission.

La CGT Finances Publiques ne peut accepter que les entreprises qui auraient les moyens de s’acheter un ECF soient exclues de fait des procédures de contrôle. Il en va du consentement à l’impôt et du civisme fiscal.

Pour la CGT Finances Publiques, il faut au contraire réaffirmer les trois principes du contrôle fiscal : la dissuasion, la répression et la ressource budgétaire. D'autre part, nous pensons qu'il est urgent de réorienter la programmation du contrôle fiscal vers une recherche du renseignement proportionnée aux enjeux et ainsi n'exclure aucune catégorie d'entreprise.

Enfin, la CGT revendique le recrutement d'agents sous statut de fonctionnaires pour le contrôle fiscal. Toute disposition qui vise à justifier des suppressions d'emplois est mortifère pour l'avenir de la DGFIP et du service public fiscal.

L'acceptation de l'impôt, le civisme fiscal et donc la juste répartition des contributions à la collectivité justifient un contrôle fiscal doté de moyens efficaces tant en termes de procédures, d'applications informatiques performantes, que d'effectifs.